La saveur des derniers mètres — F. Sarr
"Ce texte célèbre le voyage et son charme essentiel: la rencontre de l'inattendu. Felwine Sarr y évoque les lieux qu'il découvre lors de ses pérégrinations, mais aussi les paysages intérieurs que ceux-ci dessinent en lui. Car si le voyage est une déambulation sensible sur les chemins du monde, il est parfois immobile et se fait au point nul de l'errance.Des endroits de son enfance au Sénégal jusqu'aux villes visitées - Kampala, Douala, Mexico, Mantoue, Le Caire, Istanbul, Port-au-Prince, Cassis... -, l'auteur donne à voir, à sentir et à entendre le quotidien, ses angles morts et ses lignes de fuite: les seaux pleins de mollusques portés par des femmes qui "marchent sur l'eau" vers l'île de Kooko, le rythme d'un fado entonné dans une rue de Lisbonne, ou la saveur toute particulière des derniers mètres d'une course à pied... Justesse d'une poésie oubliée du monde, rugosité de ses échos troublés. L'île de Niodior est la matrice, un point d'ancrage et de désancrage où Felwine Sarr revient périodiquement. Car si les voyages provoquent l'émerveillement face à l'ailleurs, ils sont surtout un retour à soi-même, et une invite à écouter ses voix les plus intimes".
Pourquoi j'ai aimé ce roman
Pour m'avoir si facilement transportée au Sénégal qui me manque tant, dans les rues en pente de Lisbonne, à Mexico, Haïti, Istanbul, en Italie ou au Cameroun... surtout en cette période de re-re-reconfinement, où les envies d'ailleurs se font désespérément sentir. J'ai aimé les chapitres courts qui nous plongent à chaque fois dans un nouveau lieu, de nouvelles contemplations, un nouveau décor. Dès les premières lignes, Felwine Sarr parvient à nous transporter avec lui dans ses voyages physiques et intérieurs, en décrivant les paysages, les couleurs, les sensations, l'effervescence des villes, ou en racontant une anecdote en particulier. Il nous livre aussi quantité de réflexions intimes, émanant aussi bien de ses voyages et des rencontres qui en découlent que de son vécu personnel. Chaque chapitre renferme une phrase que l'on voudrait garder pour soi, une page que l'on a envie de corner pour la retrouver facilement.
Petit florilège de réflexions choisies
"Je suis toujours fasciné par ce que ce pays (le Sénégal) est capable de produire en termes de diversité d'individualités et de parcours, tout en imprimant sa sénégalité fondamentale en chacun de nous".
"Écouter de la musique est une cérémonie pour moi. La musique emplit la chambre de toute sa beauté. Je ferme les yeux et me laisse envahir par les brisures de sa nostalgie. Le temps est d'une texture particulière. La magie de la musique opère. Ici, en ce lieu, entre l'Atlantique et le Pacifique, elle a une saveur inoubliable".
" Une rue est toujours un chemin. Des vies y stationnent et attendent leur envol".
"Nous passons. Sagesse longtemps répétée, peu vécue. Observer les choses sous cette lueur les éclaire d'une lumière crue".
"Il ne s'agit pas de se résigner mais d'accepter ce qui est, surtout lorsque l'on n'y peut rien et que l'on n'a pas prise sur le cours des événements".
"Le tour de thé est un lieu de transmission [...], c'est aussi un lieu d'apprentissage".
"Considérer que tout m'a été gracieusement donné. La vie, le temps imparti, l'air que je respire, les mots de la langue que je parle, les pensées qui me viennent à l'aube, le sourire fugace, ce soleil que je hume".
"J'ai eu le loisir pendant ce temps de me demander pourquoi je voyageais. Pour goûter le monde, le connaître, élargir mes géographies, visiter mes semblables. Faire l'expérience d'une distribution aléatoire des événements, rencontrer l'inattendu. On vient pour une chose et on se retrouve à en faire une autre; la rencontre a finalement lieu ailleurs qu'initialement prévu".
En bref
Un livre mêlant contemplations, voyages, décors inconnus et réflexions intérieures, qui pourrait se lire en quelques heures mais que l'on a envie de faire durer pour que le voyage continue le plus longtemps possible.
M.